Des Marseillaises à la tête de domaines agricoles (fin xviiie – années 1820) : l’exemple de la famille de Foresta

Manage an agricultural property in the south of France (late 18th century-1820’s): the Foresta’s family example

Camille Caparos

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Camille Caparos, 2024, “Des Marseillaises à la tête de domaines agricoles (fin xviiie – années 1820) : l’exemple de la famille de Foresta”, Mutations en Méditerranée, no 2, mis en ligne le 01 novembre 2024, consulté le 21 décembre 2024. URL : https://www.revue-mem.com/387

Cet article se propose d’étudier la capacité d’action féminine dans le domaine économique grâce à l’étude d’archives familiales et en particulier des écritures quotidiennes (livres de raison et de comptes, papiers de gestion, actes notariés, correspondances, etc.) qui ont permis à la famille de Foresta, originaire de Marseille, de gérer plusieurs exploitations agricoles entre la fin du xviiie et le début du xixe siècle. Le couple formé par Marie Joseph Maphée et Claire Julie de Foresta collabore tant bien que mal à la bonne marche des affaires. Tandis que l’ancien lieutenant de la marine royale gère les récoltes, son épouse réceptionne les marchandises, surtout des tonneaux de vin, pour les vendre en ville. Cette répartition genrée des tâches permet à Marie Joseph Maphée d’instruire sa femme qui, à partir de son décès en 1791, reprend seule la gestion du domaine des Accates. En pleine période révolutionnaire, elle s’approprie pouvoirs et manuscrits maritaux pour administrer les terres et subvenir aux besoins de sa famille. Finalement, dans les années 1810 et 1820, elle continue ce rôle à la tête des domaines de son fils, alors préfet, avant de céder sa place à sa fille Marie Victoire Agathe. Une telle étude permet de souligner les stratégies mises en place par les femmes dans le but d’acquérir puis d’affirmer des compétences dans l’administration des biens familiaux. Loin de simplement seconder les hommes de leur famille, elles apparaissent comme des alliées dans la production du blé, du vin et de l’huile d’olive en Provence entre la fin de l’Ancien Régime et l’époque contemporaine.

This article studies women’s agency in the economic sphere through the study of family archives and daily writings (livres de raison, account books, management papers, notarial deeds, correspondence, etc.) which enabled the Foresta family, from Marseille, to manage several agricultural estates between the end of the 18th and the early 19th century. The couple, Marie Joseph Maphée and Claire Julie de Foresta, collaborates to ensure the efficient conduct of business. While the former royal navy lieutenant handles the harvests, his wife receives the goods, especially barrels of wine, to sell them in town. This gendered distribution of tasks allowed Marie Joseph Maphée to train his wife. After his death in 1791, she begins running the Accates estate on her own. During the French Revolution, she uses marital powers and manuscripts in order to administer the land and provide for the needs of her family. Finally, in the 1810s and 1820s, she keeps her role as she heads her son’s estates, then regional prefect, before transferring her responsibilities to her daughter Marie Victoire Agathe. Such a study highlights the strategies implemented by women in order to acquire and assert skills in administrating family properties. They do not simply support the men of their family: they appear as allies in the production of wheat, wine and olive oil in Provence between the end of the Ancien Régime and the late modern era.

Introduction

Les familles de la noblesse française d’Ancien Régime sont particulièrement attachées à la terre. Certains domaines sont pourvoyeurs de titres et offrent à leur propriétaire une légitimité sociale, l’élevant au rang de comte, marquis ou encore de duc. Par là même, les seigneuries accordent des droits juridiques et politiques à leur seigneur. S’ils sont gérés convenablement, les domaines peuvent devenir des exploitations agricoles garantissant des apports économiques importants à leur possesseur. La terre fournit des ressources considérables dans une économie française qui, à l’époque moderne, repose largement sur l’agriculture (Charpentier 2021). Dans le Midi de la France, les productions agricoles sont multiples : la trilogie méditerranéenne – blé, vigne, olive – est complétée par les arbres fruitiers et l’élevage ovin et caprin (Moriceau 2005). Dans cette région, la propriété de la terre se transmet à un héritier unique désigné par le testament du chef de famille décédé (Viret 2014). Si le modèle de la « famille souche » est privilégié par un grand nombre de familles nobles qui choisissent une figure masculine pour les représenter (Collomp 1983), le droit écrit méridional permet également, en l’absence d’hommes et afin de limiter la dispersion du patrimoine, de désigner une femme à la tête de l’héritage (Steinberg 2012, p. 682). Les actes notariés peuvent également permettre aux femmes d’accéder à la gestion des terres et exploitations agricoles. Les clauses paraphernales au sein des contrats de mariage autorisent les épouses à gérer seules et en toute autonomie une partie du patrimoine légué par leur famille, garantissant ainsi leur protection face à une éventuelle mauvaise gestion maritale ou à l’éparpillement des biens (Agresti 2009, p. 339). De la même façon, les procurations accordent aux épouses, sœurs ou mères le rôle de cheffe de famille et de gérante des terres en l’absence d’hommes, ces derniers leur ayant confié les pleins pouvoirs sur leur terre et leur famille. Ce cas de figure se retrouve particulièrement dans les régions montagneuses et maritimes européennes, dont la Provence, où les femmes peuvent être amenées à prendre en charge la gestion des affaires familiales en l’absence de leur époux (Charpentier 2010, Grenier et Ferland 2013, Cornut 2023). Au-delà de ces cas de figure spécifiques et garantis par le droit, l’incapacité masculine dans la gestion des affaires peut mener des épouses à la tête des exploitations agricoles, comme le montrent de récentes études (Cornut 2023, Pontacq 2006 et 2010, Caparos 2023). En réalité, de nombreuses situations conduisent les femmes à participer à la gestion agricole des domaines familiaux et dans ce cadre à prendre en charge la production de blé, d’huile d’olive et de vin.

Récemment, l’étude des écrits personnels et privés a contribué au renouvellement de l’approche historique du rapport des élites à la terre durant l’époque moderne. Lorsque les femmes prennent la tête d’un domaine agricole, la confiance au sein du couple se double d’un monitorat assumé par les hommes qui les aident à distance. Pour comprendre au mieux la diversité des obligations féminines, une étude globale de leurs instruments scripturaires semble nécessaire. La lecture des documents ordinaires que sont les correspondances, les livres de comptes, les quittances et les documents administratifs laisse apparaître l’articulation qui se construit entre les devoirs de maîtresse de maison et ceux d’administratrice ou de procuratrice des biens et pouvoirs familiaux. Les charges privées de ménagère et de mère-éducatrice, qui demandent connaissances et savoir-faire, se transforment et s’agrandissent, s’alourdissent parfois de responsabilités nouvelles, davantage tournées vers la sphère publique. Ces questionnements conduisent à interroger le contenu et la matérialité des écrits quotidiens féminins afin de révéler la façon dont certaines femmes usent de leur plume pour s’approprier les rôles de seigneuresse ou de maîtresse de domaines ruraux.

Le présent article se propose d’étudier les écrits personnels et quotidiens de trois nobles : Marie Joseph Maphée de Foresta (1730-1791), ancien lieutenant de la marine royale, de son épouse Claire Julie (1753-1825), née de Rémusat et de leur fille Marie Victoire Agathe (1782-1861). Le fonds familial des Foresta, consultable aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (ADBR), conserve un grand nombre de manuscrits produits par ces Marseillais. Dans le cadre de l’exploitation agricole des terroirs des Accates et de la Bricarde, la famille de Foresta utilise correspondances et livres de comptes. Ces derniers permettent d’entrevoir différentes périodes de la production d’olives, de vin et de blé entre la fin du xviiie siècle et les années 1820. Notre contribution expose ainsi les différents enjeux et réalités de l’exploitation de leur domaine par ces nobles provençaux : la répartition des tâches entre mari et épouse ; l’acculturation d’une épouse aux tâches de stockage et de vente des produits de la terre ; l’écriture comme un outil de collaboration et de gestion du domaine ; le rôle d’une veuve dans la gestion, l’entretien et la vente des produits agricoles et la passation de pouvoir entre une mère et sa fille.

Il s’agit donc de brosser le portrait des stratégies scripturaires et organisationnelles mises en place par la famille de Foresta, et en particulier par ses membres féminins, pour garantir l’exploitation de domaines du terroir marseillais. En s’adaptant aux changements politiques et sociaux de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration, les femmes étudiées parviennent à déployer une capacité d’action dans le domaine économique grâce à l’usage de l’écrit et au développement, sur plusieurs générations, de compétences de gestion importantes.

Une coopération matrimoniale au service d’une exploitation agricole à la fin du xviiie siècle

La répartition genrée des rôles au sein de la famille de Foresta

Claire Julie de Rémusat est issue de la noblesse négociante de Marseille, ses ancêtres s’étant illustrés dans le commerce maritime et l’obtention de charges municipales au cours du xviiie siècle (Révérend 1974). Née en 1753, elle est la fille de Charles de Rémusat (1705-1754) et de Marie Anne de Candolle (1725-1769). Grâce aux nombreux écrits domestiques tenus par sa mère, il est possible de connaître son enfance et son éducation. Marie Anne prend en note les gages des domestiques et des précepteurs engagés pour le soin et l’instruction de sa fille. Celle-ci reçoit des cours d’écriture, de lecture et de musique dans une salle aménagée à son intention et dans laquelle sont accrochées des cartes de géographie (ADBR, 140 J 190). La proximité entre les deux femmes permet à Claire Julie de bénéficier de l’expérience maternelle en matière d’économie domestique et de gestion des affaires. En effet, tout au long de sa vie d’épouse, Marie Anne tient la comptabilité de ses dépenses personnelles et des achats pour le foyer (140 J 190). À la mort de Charles en 1754, elle reprend l’administration de son commerce maritime avec le Levant au sein de la société « Frères Rémusat et Guys » implantée à Marseille (ADBR, 140 J 188, 140 J 43-44). Ses nombreux registres écrits à l’aide d’une graphie claire permettent d’envisager la culture de l’écrit que cette noble provençale transmet à sa fille.

Âgée de seize ans en 1769, Claire Julie épouse le chevalier Marie Joseph Maphée de Foresta-Collongue, ancien lieutenant de la marine royale issu d’une influente famille italienne anoblie par François Ier en 1544 (ADBR, 140 J 1). Comme cela est souvent le cas, c’est certainement la carrière de ce noble qui a repoussé son union : il convole à l’aube de ses quarante ans (Minvielle 2010). À l’occasion de son mariage, la Marseillaise ouvre un livre de comptes personnels qu’elle tiendra jusqu’à sa mort en 1825 (ADBR, 140 J 49). Elle devient bientôt la mère d’une famille nombreuse : Marie Gabrielle naît en 1771, puis viennent Marie Anne Jeanne (1774), Marie Paul Augustin (1777), Marie Thérèse Françoise (1781), Marie Victoire Agathe (1782) et Marie Joseph Laurent (1783). À ses devoirs maternels s’ajoutent ceux d’épouse, comme le montrent ses nombreux livres de comptes : elle se consacre largement à l’éducation de sa progéniture (ADBR, 140 J 56), gère les dépenses de la maison (ADBR, 140 J 50) et soutient son époux dans ses activités agricoles et commerciales. Au sein de la famille de Foresta, les tâches sont réparties entre la maîtresse de maison et le chef de famille, qui délègue une partie de son pouvoir à son épouse (Chollet 2016) : Madame demeure dans l’hôtel particulier, rue des Dominicaines, pour veiller sur les enfants et à la bonne marche du foyer tandis que Monsieur s’installe dans la campagne des Accates plusieurs mois dans l’année afin de veiller sur les récoltes. Implanté dans un village à environ huit kilomètres du centre de Marseille, ce domaine, estimé à 60 000 livres (ADBR, 140 J 45), appartient aux de Foresta-Collongue depuis le xviie siècle. Propriétaires investis, ils œuvrent pour la communauté d’un bourg rural particulièrement prospère grâce à la culture du blé, de la vigne et des oliviers. En 1737, Monseigneur de Belsunce consacre une église paroissiale édifiée sur un terrain offert par Jean François de Foresta (1706-1756) (Gouin 1900, p. 25). Par la suite, c’est son fils Marie Joseph Maphée qui s’implique dans la gestion du domaine, comme l’indique la Biographie généalogique des Foresta (ADBR, 140 J 1) :

[Depuis 1769] il partagea son temps entre le séjour de Marseille, où pendant quatre à cinq mois d’hiver il ne sortait guère de son cabinet que pour aller à sa paroisse, et l’une de ses maisons de campagne, située au hameau des Accates, dans le territoire de cette ville. L’étude des sciences mathématiques […] les occupations de la vie champêtre et les devoirs de père de famille remplirent les vingt-deux dernières années de sa vie1.

Mais en quoi consistent exactement ces « occupations de la vie champêtre » prises en charge par l’ancien marin plusieurs mois par an ? Différentes informations sont visibles dans les sources : d’abord les lettres que Monsieur de Foresta adresse à son épouse pendant ces périodes (ADBR, 140 J 54) et les deux livres de comptes qu’il tient pour gérer son domaine. Le premier est un simple cahier de feuillets cousus à la main. Il sert à noter l’« etat du vein que jai dans mes caves 1763 jusques 1767 » (ADBR, 140 J 157). Le second est un volumineux registre dont la couverture cartonnée et recouverte de parchemin indique sa valeur (ADBR, 140 J 157). Il est destiné à entrer les dépenses et les recettes de l’exploitation à partir de 1790. Monsieur de Foresta se consacre pleinement à l’exploitation de ses terres qui constituent un revenu non négligeable grâce à la vente des denrées produites, mais également grâce aux rentes que lui versent les métayers qui exploitent le terroir. Loin de sa famille, il peine parfois à mener de front les différents travaux agricoles, comme il le confie à Claire Julie dans une lettre non datée (ADBR, 140 J 54) :

tu juges bien que loin de trouver dans ces travaux du plaisir et du repos, ils se sont tellement multipliés cete année et rencontrés avec des temps si rudes que jen suis excedé de fatigue et de paines ; mais cela nest rien, je suis pere de famille et je dois peine et fatigues aux miens.

Si Marie Joseph Maphée se plaint à sa femme, il n’en demeure pas moins qu’il assume pleinement l’exploitation agricole et la vente des denrées. La production de vin des Accates est notifiée par le carnet de « l’état des vins » des caves de leur hôtel de la rue des Dominicaines. Elle est conservée dans des tonneaux soigneusement numérotés, datés et tarifiés par leur propriétaire, comme il est possible de le voir sur la photographie ci-dessous (figure 1) :

Figure 1. Livre de comptes sur l’« etat du vein que jai dans mes caves » tenu par Marie Joseph Maphée de Foresta entre 1763 et 1767

Figure 1. Livre de comptes sur l’« etat du vein que jai dans mes caves » tenu par Marie Joseph Maphée de Foresta entre 1763 et 1767

ADBR, fonds de Foresta 140 J 157 ; Camille Caparos, photographie, 2020

La recette de la vente du vin est également inscrite au sein du livre de comptes des Accates dans lequel Monsieur de Foresta note les dépenses, mais aussi les entrées d’argent correspondant à la vente des denrées agricoles et aux rentes des métayers. Il indique plusieurs fois en 1790 la vente de tonneaux de vin en précisant pour cela le numéro et le « magazin » ou cave correspondant, par exemple : « vin nouveau des accates N° 6 ». Il en est de même pour la vente du blé et des branches d’olivier dont les recettes figurent au sein du registre, par exemple les « bled des accates » ou « vendu les ramille des oliviers » (ADBR, 140 J 157).

Une collaboration mouvementée, mais efficace

L’organisation du stockage et de la vente du vin incombent à Claire Julie qui, à la ville, réceptionne les tonneaux pour les conserver dans différentes caves privées. En effet, Monsieur de Foresta compte sur son épouse pour administrer les stocks de vin et en organiser la vente à Marseille. Pour cela, une véritable collaboration se met en place au sein du couple et Marie Joseph Maphée devient l’éducateur de sa femme. Dans ses lettres, il ne cesse de la guider et de lui apprendre les bonnes pratiques commerciales. Elle doit apprendre à rédiger les « étiquettes » d’identification des vins avant leur mise en bouteille. Cette « technologie d’organisation et d’action » (Gardey 2008, p. 162) contribue à la conservation d’informations importantes dans la gestion commune du domaine. L’ancien militaire explique donc à son épouse la rédaction de ces « fiches pour agir » (Gardey 2008, p. 162) dans une de ses lettres (ADBR, 140 J 54) :

joseph va a marseille ma très chere amour tu lui remetra les deus gros paniers que jai laisé a la dépensse pour en faire remplir desprit de vin les quatres bouteilles quils contienent : mais avant de les lui remetre prend un morceau de papier la notte de ce que chaque bouteille contient […] panier par panier ; leur mesure est marquée sur un morcau de papier collé sur chaque bouteille ; et tu m’enveras cette notte.

L’art de la note doit être maîtrisé par Madame de Foresta si elle veut répondre aux exigences de son époux et l’aider dans la gestion des denrées agricoles. Parfois, son manque de rigueur rend incompréhensibles les notes et comptes qu’elle lui fait parvenir. Marie Joseph Maphée s’en plaint régulièrement, comme dans l’extrait suivant (ADBR, 140 J 54) :

je recois dans le moment ta letre, la billet de vin, et la notte quelle contient sans que tu men donne la moindre explication ; je nai jamais été sorcier je ni comprendrirez quesque cette minerolle et demi […] je ne puis entendre a tout cela un mot d’explication que tu eus ajouté a ta letre eclercisoit tout, prevenoit toutes les questions que je suis obligée de te faire et cétoit fini […] voila bien du temps que ce plustot absorde et il ne menque pas objets ou lemploier utilement.

Au cœur de l’intendance complémentaire entre les époux de Foresta, c’est l’idéal de la ménagère du siècle des Lumières qui apparaît (Chatenet 2009). Madame doit faire preuve de vertu, être autonome, perspicace et efficace dans toutes les tâches qui lui incombent, qu’elles soient domestiques ou entrepreneuriales. De fait, même si le couple semble très soudé par une relation empreinte d’amour conjugal et d’affection familiale – Marie Joseph Maphée écrivant par exemple « adieu ma très chere amour embrasse tout notre troupeaux » (ADBR, 140 J 54) –, la recherche de légitimité et de compromis transparaît dans le dialogue épistolaire. Marie Joseph Maphée se montre souvent insatisfait et exprime des paroles dures envers une épouse qu’il tente d’éduquer. La citation suivante illustre ainsi la manière dont, selon lui, Claire Julie ne correspond pas à l’image de la maîtresse idéale. Maladroite, elle nuit à la bonne économie de son foyer (ADBR, 140 J 54) :

je te lai répété souvant mais tu me mets toujours a meme dete le redire, une famille seroit riche de tous ce que tu as fait perdre a la tiene par tes negligences inatention et balourdises et souvent depenses perdues par defaut de soin des objets qui coutent et qui se perdent sans profit et que souvent il faut remplacer parce que tu les laise gater.

Il en est de même pour l’agriculture et l’administration des campagnes. Monsieur de Foresta se montre souvent autoritaire et remet en cause les capacités de sa femme. Surtout, il écrit sa crainte de la voir s’occuper seule des domaines (ADBR, 140 J 54) :

si tu n’etois pas si ignorante que tu lest sur tout ce qui regarde les soins des campaignes, […], mais je vois avec douleur que quend la mort maura fermé la paupiere tu nen saura pas plus pour le gouvernement des campaignes que lenfant qui nait aujourdhui.

Cependant, Claire Julie est une véritable alliée pour son époux grâce à ses relations. Elle fait preuve d’initiative dans la vente du vin et passe des contrats avec des clients tandis que son époux est à sa campagne. Elle conclut notamment un accord avec un couvent afin que les religieuses puissent obtenir du vin à un meilleur prix. Si Madame de Foresta semble satisfaite de cette transaction, ce n’est pas le cas de son époux qui juge une nouvelle fois qu’elle a pris une décision irraisonnée qui nuit aux affaires familiales. La Marseillaise, très pieuse à en juger par les nombreuses aumônes qu’elle note dans son livre de comptes personnels (ADBR, 140 J 49), a estimé utile de s’offrir les bonnes grâces des nonnes. Monsieur de Foresta n’est pas de cet avis et peine à former la « tete » de sa femme (ADBR, 140 J 54) :

et dun coup de tete tu fais deux etourderies tu m’otes un de ces tonaux, et tu enpeches jan de livrer aus religieuses le vin quelles demandent quoiquelles soient plus resonables que toi qui de ton grans jugement le leur livrois a 7 livres fesant un compte des plus absurde quon le leur livra a ce pris la ; […] et toi sans tinformer de rien tu regle tout a ta maniere acoutumée, ou pour dire les choses come elles sont tu derange tout sans téclaircir de rien […] encore ne comprends tu jamais ce quon te dit tellement nos tetes sont diverssement organisées, quoiqueles soient egalement faites lune et lautre pour la raison ainsi que toutes les tetes créées.

Bien que les raisons féminine et masculine ne semblent pas se différencier dans la pensée de Monsieur de Foresta, son envie d’éduquer sa femme à sa manière est prégnante tout au long de la correspondance. Pourtant, la consultation des nombreux manuscrits ordinaires de Claire Julie de Foresta nous informe sur ses grandes capacités scripturaires, numéraires et organisationnelles. En effet, elle prend en charge la totalité des dépenses de ses enfants (ADBR, 140 J 56), celles du ménage pour lesquelles elle écrit des journaliers répertoriant les achats alimentaires et de première nécessité (ADBR, 140 J 50), ainsi que ses propres comptes qu’elle tient avec une grande régularité (ADRB, 140 J 49). Elle semble donc être une maîtresse de maison prudente et accomplie, ne négligeant ni le soin de sa maison ni celui des affaires agricoles dans lesquelles elle souhaite davantage s’impliquer. En effet, dans sa seule lettre à son époux conservée, elle affirme son envie d’apprendre, de participer et de le soulager dans l’administration des domaines. Alors qu’elle est en voyage à Lyon, elle demande à Marie Joseph Maphée de la faire revenir en Provence pour qu’elle puisse lui venir en aide pendant les moissons de blé. L’entraide entre époux semble être sa priorité. Elle confesse alors son affection pour son mari et reconnaît l’importance qu’ont les domaines pour lui (ADBR, 140 J 40) :

je mocupe cependant à pensant que voissi la recolte du bled, qui demande ordinament ta presence comme il nest pas vraissemblable que tu puisse y aller, donne moi au moins la satisfaction de mi envoyer à ta place, ce csera me rendre de la confiance que jay en toi, et alors tu me marquerai le temps auquel je pourois me rendre, car sest la mon but en tout, je ne fait rien issi et chez moi je suis sure que tout souffre.

Occasionnellement, Monsieur de Foresta apprécie les qualités de son épouse. Claire Julie apparaît plusieurs fois comme une véritable alliée dans la gestion des affaires agricoles. Elle gère convenablement les comptes : « tu as soulagé ma téte ma très chere amour dun très grand soucis en paiant le compte Degros » ; et sait prendre le relais de son mari quand cela est nécessaire : « il faut convenir que tu es merveilleuse pour conduire les afaires dont je te charge jusques a leur fin et tu as sur les autres cet avantage qui est de n’avoir pas loin a aler pour i ariver » (ADBR, 140 J 54). Cependant, les lettres de Marie Joseph Maphée n’étant pas datées et leur conservation ayant été organisée par Claire Julie sous forme de paquets cousus à la main, il est difficile de percevoir si Monsieur se montre parfois encourageant pour l’inciter au progrès, s’il estime pouvoir adresser des louanges à une épouse qu’il est parvenu à éduquer ou s’il reconnaît parfois, malgré ses reproches, les qualités intrinsèques de sa compagne.

Les tâches sont réparties de façon genrée entre l’homme et la femme : Monsieur s’occupe des domaines agricoles et régit une grande partie des affaires afin de subvenir aux besoins de sa famille tandis que Madame prend en charge l’administration du foyer et le soin des enfants. Néanmoins, loin d’être reléguée au second plan, Claire Julie apparaît comme une alliée non négligeable, bien qu’en apprentissage, dans la gestion des denrées agricoles. Elle gère le stock de vin, passe des contrats avec des clients, tient les comptes des ventes et investit pleinement son rôle de maîtresse d’un domaine auprès des paysans vivant sur les terres familiales. Dans ses livres de comptes personnels, la Marseillaise note par exemple les cadeaux offerts aux métayers et autres ouvriers agricoles (ADBR, 140 J 49) : « 3 pans toille unie pour une chemise à la petite de la paysane de la valentine » (septembre 1775) « avoir fait un baptême du paysan de la valantine » (août 1778). Elle est donc un relais important du système économique mis en place par Marie Joseph Maphée. De la campagne à la ville, le couple est une équipe capable d’agir pour le bien de sa famille. Ainsi, c’est l’interdépendance des fonctions qui organise la répartition des tâches. Tout comme les épouses de militaires, de marchands ou de marins, Claire Julie est amenée à prendre en charge son foyer en l’absence de son époux (Charpentier 2010, Grenier et Ferland 2013, Cornut 2023, Charpentier et Grenier 2022). En cela, les Foresta appliquent la « co-dépendance » décrite par Joanne Bailey : les femmes, en assumant la gestion des finances domestiques, l’administration du foyer et l’éducation des enfants, acquièrent pouvoir et autorité dans leur famille, un rôle dont, en réalité, les chefs de famille ne peuvent se passer (Bailey 2003, p. 83-84).

Survivre pendant la Révolution grâce à l’exploitation de la terre

La réalité des domaines agricoles des Foresta dans les années 1790

Monsieur de Foresta décède le 3 mai 1791 en pleine période révolutionnaire. Il laisse derrière lui une femme de trente-huit ans et cinq enfants mineurs. Leur appartenance à la noblesse les met tout de suite en danger. À partir de 1791, ce groupe social est ciblé par l’Assemblée qui met en place une politique de répression aboutissant à « l’exclusion progressive des nobles ». Appartenir à la « race noble » devient une « tache originelle » infamante (Chappey 2010, p. 53). Claire Julie indique dans son livre de comptes personnels qu’elle a été incarcérée entre le 5 et le 20 août 1794. La même année, à la suite du décret du 27 germinal an II (17 avril 1794), elle doit déménager à Aix. La loi oblige les « étrangers avec lesquels la République est en guerre » et les « ex-nobles » de tous les degrés à quitter, dans un délai de dix jours, Paris, les places fortes et les villes maritimes, d’abandonner leurs emplois au risque d’être mis « hors la loi » (Chappey 2010, p. 54). Le tableau des nobles retirés à Aix énonce clairement que « Claire Julie Remuzat veuve Foresta habitante a Marseille [s’y est] retiré » (ADBR, L586 bis).

Cependant, entre 1791 et 1794, Madame de Foresta quitte le centre-ville de Marseille pour installer sa famille aux Accates et devient la gestionnaire légitime des biens familiaux, dont les nombreux domaines agricoles. En effet, le testament de Marie Joseph Maphée la désigne en tant qu’« heritiere universelle » et tutrice de ses enfants. Il affirme clairement qu’elle est la personne tout indiquée pour régir au mieux son héritage et en assurer la pérennité : « je la recommande à mon epouse chérie dont l’affection me répond de son empressement à la lui donner et à lui faire rendre dans la maison le respect qui lui est du comme continuant à être le chef » (ADBR, 140 J 45). Déjà, pendant sa maladie, il l’avait « constitué pour sa procuratrice generale et speciale […] à laquelle il donne pouvoir pour lui et en son nom de regir gouverner et administrer tous les biens et affaires » (ADBR, 140 J 52). La liste des propriétés de l’hoirie montre clairement que sa veuve est à la tête d’un patrimoine rural important (ADBR, 140 J 45). Elle est la propriétaire d’« un domaine sit qu[arti]er des Achates estimé [à] 60000 livres / [d’]un situé quartier de la valentine 20000 livres / [d’]un situé au Méssagné quartier Ste Margueritte 40000 / [et de] Deux Coussoux à la crau d’Arles 60000 ». À cela s’ajoutent des rentes qui constituent une part considérable des revenus annuels de la famille : « un cens aux achates 500 livres / rente constitué sur le moulins et four des Achattes 3200 livres / rentes provenant des maisons des Achates 500 livres / cens inextinguible sur le domaine Carnoux 3000 ». En 1795, les domaines transmis par sa belle-mère, Marie Gabrielle de Foresta, née de Bricard, ajoutent encore à sa mission de propriétaire terrienne. En effet, Marie Joseph Maphée étant son unique enfant mâle, Marie Gabrielle lègue à ses enfants, donc aussi à leur mère-tutrice, les biens suivants (ADBR, 140 J 33) : « 1° la grande propriété, apellée la bricarde quartier de seon st andré. batimens et cuves en maconnerie / 2° en une petite piece separée par le chemin de la susdite propriété / 3° d’une colune susnomée clos dit septemes / 4°seconde coline ».

Claire Julie gère à la fois le patrimoine paternel et celui de leur grand-mère. Patrimoine et matrimoine se mêlent sous son administration. Sa confirmation dans le rôle d’héritière et de tutrice par un conseil de famille semble être une formalité, comme elle l’indique dans une note récapitulant sa prise de pouvoir en tant que cheffe de famille : « ayant seulement fait une assemblée de parens » (ADBR, 140 J 45). Néanmoins, conformément au droit, aux mœurs et au testament de son époux (ADBR, 140 J 52 : « ma ditte epouse ne nomme point et ne choissise point ou convole à nouveau mariage »), la Provençale continue à obéir à la volonté maritale en dirigeant avec discernement les biens de l’hoirie, en demeurant veuve et en garantissant l’avenir de ses enfants (Beauvalet-Boutouyrie 2001). Pour cela, et conformément aux lois successorales mises en place par la Révolution (15 mars 1790 sur l’abolition du droit d’aînesse et de masculinité sur les biens nobles, décret du 8 avril 1791 sur l’égalité entre héritiers et héritières ab intestat) (Poumarède 2011), elle devra leur transmettre le patrimoine familial à leur majorité.

La reprise en main par Madame de Foresta : récupérer la gestion et le pouvoir de l’écrit

Préparée à cette tâche pendant un an lors de la maladie de son conjoint, Madame de Foresta témoigne d’un certain calme lorsqu’elle prend la plume pour notifier ce changement de situation. Sur la cinquante-deuxième page du livre de raison de Marie Joseph Maphée, son écriture est bien reconnaissable. Tutrice de ses enfants mineurs, elle annonce : quand le « sieur marie, joseph, maphée, de foresta collongue mon mari est décédé le 3 may 1791 à dix heures du soir, […] il m’a institué son heritiere universelle ; à la charge par moi de nommer un heritier » (ADBR, 140 J 36). Procuration, legs et gestion pendant la maladie de son époux ont fait de Claire Julie, alors maîtresse de maison, un relais indispensable dans la direction d’abord provisoire puis pérenne du patrimoine agricole. En qualité de veuve, elle est reconnue par le conseil de famille et par la société dans ce rôle. Son écriture change elle aussi de statut : elle devient alors performative en investissant les manuscrits maritaux. Le contexte révolutionnaire renforce la place de la Provençale qui doit défendre ses propriétés et les utiliser pour subvenir aux besoins de sa famille. La plume devient un instrument de gestion et d’action au quotidien en lui permettant de devenir la fondée de pouvoir de la famille. Cette passation est clairement indiquée par Claire Julie sur le registre de comptes des Accates (ADBR, 140 J 157) : « Journal de depense generalle, que je fais pour toute la maison, des revenues, de l’hoirie, de Mr Maphée Joseph Marie de foresta collongue dont je suis jouissante à la charge de nourrir, et entretenir mes enfans./ commencé le 4 may 1791 ».

Ses aptitudes correspondent à celles des nombreuses veuves qui « continueront même à administrer l’héritage bien au-delà de la majorité légale de leurs enfants » (Dolan 2003, p. 68). Plusieurs études ont également montré qu’en l’absence d’hommes, les femmes sont tout à fait capables d’investir les rôles de gestionnaires agricoles et de femmes d’affaires (Cornut 2023, Pontacq 2006 et 2010, Marguerite Figeac-Monthus 2000). Le départ des hommes pour les campagnes militaires, les expéditions maritimes, le commerce transfrontalier ou simplement leur incapacité conduisent les femmes à s’investir. Surtout, c’est cette absence masculine qui les fait surgir dans les sources : elles laissent des traces de leurs actions au sein de multiples supports d’écriture, dont les correspondances et les livres de comptes. Celui des Accates trouve une double utilité. Comme l’affirme la scriptrice, elle y inscrit les comptes généraux de la maison et ceux des productions agricoles. De la même façon que son époux, elle tient la comptabilité des tonneaux de vin en indiquant le numéro de ces derniers (figure 2) :

Figure 2. Livre de comptes du domaine des Accates tenu par Marie Joseph Maphée puis par Claire Julie de Foresta, recettes de 1791

Figure 2. Livre de comptes du domaine des Accates tenu par Marie Joseph Maphée puis par Claire Julie de Foresta, recettes de 1791

ADBR, fonds de Foresta, 140 J 157 ; Camille Caparos, photographie, 2020

Madame de Foresta reprend l’organisation scripturaire mise en place par son défunt mari : les pages de droite sont réservées aux dépenses tandis que celles de gauche le sont aux recettes. De plus, le carnet de comptes renseigne sur la mise en culture de plusieurs domaines marseillais et permet de constater la continuité de leur gestion par la veuve. Le blé, les vignes et les oliviers sont toujours cultivés, comme l’indiquent les différentes recettes inscrites sur les pages de gauche. Madame de Foresta note, par exemple, le 14 juin 1792 « 3 change bled blanc, vendus à 51 livres » ou le 27 février 1795 « du produits du bled des accattes, porté au bureau des subsistances 195 livres 6 deniers » (ADBR, 140 J 157). De la même façon, elle semble conserver l’organisation du stockage et de la vente du vin mise en place par Marie Joseph Maphée puisqu’elle indique les numéros des tonneaux de vin vendus chaque année, comme en juin 1792 « du tonneau N° 26 vin blanc des accattes » ou en juillet 1797 « du tonneau N° 25 des accates » (ADBR, 140 J 157). Cependant, contrairement à son époux, elle diversifie les productions agricoles, en utilisant notamment le « jardin » des Accates. En période révolutionnaire, chaque apport compte et c’est pour cette raison qu’elle emploie un jardinier pour la culture des herbes et arbres fruitiers du jardin. Elle note ainsi chaque année « des herbes, et fruits des accattes » (ADBR, 140 J 157). Madame de Foresta semble donc plus entreprenante que ne le pressentait son mari et continue son œuvre en gérant le domaine des Accates, mais également les autres biens qui lui ont été confiés. Pour cela, elle s’appuie sur le travail des métayers. Elle est donc une propriétaire terrienne investie, comme l’indique une note volante glissée dans le carnet (ADRB, 140 J 157) :

la recolte du vin du messagnet de 1793. à été du vaisseau de 40 millerolles, dont jay payé au paysan p[ou]r son tiers de 26 mille 2/3 10 pots à 10 livres – 160 livres / jay vendus tout à la fois sur les lieux, il ni à eus que 36 milles 1/4 à 12 livres ce qui à fait la somme de 435 livres / deduire le tiers que javois payés 160 livres / reste p[ou]r moi 275 livres.

Le vin représente la principale production des domaines possédés par les Foresta. Le nombre de tonneaux vendus chaque année par Marie Joseph Maphée puis par Claire Julie en témoigne. À la fin du xviiie siècle, la production de vin a explosé en France : les vignobles provençaux produisent alors plus de 200 000 hectolitres par an. Par ailleurs, le vin de Provence est jugé « bon » depuis la fin du xviie siècle (Musset 2008, p. 17). Le commerce est toujours dynamique pendant la Révolution, conduisant la propriétaire à acquérir des tonneaux et à payer « un compte au tonelier » en 1791 (ADBR, 140 J 157).

Son implication prend également la forme de l’entretien de l’appareil de production, comme elle l’indique à la suite des recettes et des dépenses de 1795 : « notes que cette année, jay fait des reparations aux campagnes du messagnet, et des accates <au four, et moulin d’huille2 » (ADBR, 140 J 157).

Finalement, Madame de Foresta met à profit ses capacités de maîtresse de maison – scripturaires et organisationnelles – et l’éducation reçue de la part de son époux, pour devenir une gestionnaire agricole investie. Grâce à la mise en culture des terres et à la vente des denrées, elle parvient à surmonter les difficultés de la Révolution.

Produire de l’huile et du vin dans le terroir marseillais au début du xixe siècle : Claire Julie de Foresta, cheffe de famille et gestionnaire agricole

En 1801, alors qu’ils souhaitent récupérer la pleine jouissance de leur héritage à la suite de leurs mariages réceptifs, Marie Anne Jeanne (1774- ?) et Marie Paul Augustin de Foresta (1777-1851) décident d’intenter un procès à leur mère après la « mis à découvert […] l’etat facheux des affaire de la C[itoy]enne Foresta » (ADBR, 140 J 45). Malgré la mise en évidence de sa mauvaise administration, Claire Julie conservera la confiance de ses enfants. En effet, son fils Marie Joseph Laurent (1783-1758), alors préfet dans différentes régions durant les années 1810-1820, lui confie le domaine de la Bricarde, hérité de sa grand-mère paternelle à sa majorité en 1804. Madame de Foresta en prend la direction jusqu’à l’âge avancé de soixante-quinze ans. C’est grâce aux courriers contenus dans la correspondance passive de son fils (ADBR, 140 J 72) que nous avons accès à la suite de sa « carrière » en tant que gestionnaire agricole. Comme dans le système de procuration d’Ancien Régime, c’est la figure féminine la plus qualifiée qui est choisie pour représenter l’autorité masculine absente. Si le lien de confiance entre le fils et sa mère est réel, cette dernière doit tout de même s’imposer.

Être reconnue dans son rôle de gestionnaire agricole (années 1810)

Au début du xixe siècle, après la période de la Révolution et de l’Empire, la production agricole française, notamment viticole, reprend avec vigueur (Lecoutre 2019). Claire Julie de Foresta assure la gestion et la vente des denrées et apparaît encore une fois comme une administratrice avisée. Son savoir-faire est mis au service du terroir de la Bricarde. Ce domaine, situé au nord de l’agglomération marseillaise, acquis au début du xviiie siècle par la famille de Bricard (ADBR, 140 J 158), est transmis par Marie Gabrielle de Foresta à son dernier petit-fils Marie Joseph Laurent. Estimé à environ 70 000 livres (ADBR, 140 J 33), on y cultive le blé, la vigne et les oliviers. Les lettres de Claire Julie de Foresta en révèlent la gestion : à partir de 1810, c’est elle qui en prend la tête, palliant la mobilité professionnelle de son fils. Cependant, cette délégation ne se fait pas sans complication et les litiges apparaissent sous la plume de la Provençale, notamment lorsque Marie Joseph Laurent souhaite transmettre la responsabilité de la Bricarde à son frère Marie Paul Augustin. Elle écrit à cette occasion : « jay soigné vos interest en tendre mere jay fait tout ce quil dependoit de moi pour vous prouver ma tendresse, que faut il de plus ; pour m’attirer de laffection plus tot que des désagréable procédés » (ADBR, 140 J 74, le 11/11/1811). La scriptrice s’offusque : alors qu’elle y participe depuis des années, elle est désappointée de voir Augustin « lui demande[r] tout avec un air qui [la] surprit » (ADBR, le 03/01/1811). Elle refuse de céder la conduite des affaires agricoles et les comptes qui y sont attachés. Ses prérogatives temporelles et scripturaires ne peuvent être aliénées. C’est ce que l’on comprend de la formulation employée, le « tout » désignant à la fois le pouvoir – la gestion agricole – et ses instruments d’application – les registres comptables. Elle semble obtenir gain de cause, Marie Paul Augustin copiant simplement les comptes rendus maternels dans un registre qu’il intitule « Journal des affaires de Josephin » (ADBR, 140 J 158). D’après les expressions utilisées, Claire Julie lui envoie de nombreux mémoires écrits : « D’après les comptes apportés par ma mere à son retour de la bricarde » ; « d’après les comptes reçu de ma mere le 29 octobre » ; « d’après les comptes que m’a remis ma mere à son retour de Marseille, et séon après la récolte du bled ». D’ailleurs, le carnet concerne de nombreux comptes volants de la main de Madame de Foresta. Ainsi, cette dernière est parvenue à imposer son autorité et son expertise à la tête des domaines agricoles filiaux et n’hésite pas à affirmer en 1814 : « parceque ayant resté à votre campagne jusques apresant pour presider a la vente du vin » (ADBR, 140 J 74, le 01/09/1814).

La gestion quotidienne du domaine de la Bricarde dans les années 1820

Dans les années 1820, malgré son grand âge, Madame de Foresta continue donc de gérer le domaine de la Bricarde. Ses lettres nous renseignent sur sa vision du rôle d’administratrice par délégation. C’est par amour pour Marie Joseph Laurent qu’elle entreprend l’exploitation agricole (ADBR, 140 J 72, le 27/01/1821) : « s’il mest doux de pouvoir vous être utille dans votre absence, il m’est bien pennible de ne pas vous contenter, et de l’apercevoir dans vos lettres, qui sans cella seroit un baume pour mon cœur ». Si, elle souligne qu’elle tire son pouvoir d’une délégation masculine (ADBR, 140 J 72, le 22/07/1821 : « je ne vous parle pas de ma bonne volonté à faire, mais la vray intention de ne faire que ce que vous m’indiqueres »), ce sont ses capacités de gestion, gagnées après des décennies de collaboration avec son mari et pendant son veuvage, qui lui garantissent légitimité et autonomie à la Bricarde. Les lettres sont l’occasion pour Madame de Foresta de se présenter comme procuratrice d’une volonté filiale, mais également comme véritable « homme d’affaires » indépendant.

En effet, loin de recourir constamment à son aval chaque année, elle prend en charge la plantation, l’entretien, la récolte et la vente des denrées. Surtout, elle apparaît dotée de connaissances agricoles qui lui permettent d’évaluer les bénéfices, les prix des productions et leur qualité. Pendant l’été 1821, c’est sous son commandement que « la recolte du bled » est moissonnée. Elle atteint un rendement qu’elle n’avait « jamais vüe [avec] 18ch de bled turqués » tandis que le « beau grain dit tuzelle » sera disponible dans quelques jours (ADBR, 140 J 72, le 22/07/1821). À l’automne vient le temps du négoce des céréales. Soucieuse de faire le maximum de profit, elle attend de pouvoir vendre le reste de blé, car « dans ce moment il est en baisse depuis les semances » (ADBR, 140 J 72, le 06/11/1821).

Il en est de même pour la récolte des olives et du raisin. Madame de Foresta met à profit son expérience pour garantir les meilleurs rendements à son fils. Les termes utilisés dans la citation suivante montrent son expertise agricole (ADBR, 140 J 72, le 14/10/1821) :

je dois vous dire que la recolte du vin à etté apeu près comme l’année passée, vous en verés la note contre celle du bled. vous aurés quelques livres d’huile mais bien peu, et elle sera mauvaise suivant les aparançes, parceque les olives ont le ver jusques au cœur, je vous dirai quand elle sera faite la quantité qui y en aura.

Elle se charge de la vente des denrées pour le compte de Marie Joseph Laurent. Dans les années 1820, l’emprise de la viticulture est très importante dans le Midi méditerranéen, le département des Bouches-du-Rhône produisant environ 80 000 hectolitres par an en 1826. L’augmentation est permise par la révolution des transports qui intègre les vins provençaux au marché national et international (Lecoutre 2019). Néanmoins, la concurrence est souvent rude et Madame de Foresta ne parvient pas toujours à vendre son vin au meilleur prix, comme elle le confie en octobre 1821 (ADBR, 140 J 72, le 14/10/1821) :

je nay pas resté un jour san men occuper, et veritablement mon cher amis je suis dans le chagrin de n’avoir pas pus vendre d’avantage. jirois en ville cette semaine pour en retirer le montant : jay vendu le vin vieux, forcément à 20f parcequil etoit aigu et qun peu plus tard, il eut eté invendable, jay crus ne devoir pas esiter, maintenant on ce tient au pris de 11f.

Finalement, consciente de l’importance de vendre même à un prix non satisfaisant, Claire Julie écoule la totalité des marchandises à Marseille (ADBR, 140 J 72, le 06/11/1821) :

parce quil est certain, que je nay rien negligé pour la vente de vos denrrée, et que quoi que vous en croyés, le vin na pas plus valus, puisque chaqun nen à pas dautre prix. jen ay finis la vente ces jours derniers tout à 12fr.

Il est donc possible d’affirmer que Madame de Foresta a évolué : dotée d’expérience et de connaissances, elle s’est affirmée aux yeux de ses enfants comme cheffe de famille et gestionnaire agricole. L’apprentissage auprès de son époux, la procuration pendant la maladie de ce dernier puis le veuvage l’ont conduite à la tête de sa famille et des biens patrimoniaux. Ses capacités domestiques lui ont permis d’affronter la Révolution puis de s’affirmer face au désaveu de Marie Joseph Laurent. Finalement, son grand âge la contraint à transmettre la tête des affaires, comme nous allons le voir à présent.

Passation de pouvoir, passation de l’écrit

À partir de 1823, Claire Julie est secondée par sa fille Marie Victoire Agathe. Après son divorce avec un bourgeois nommé Monsieur Courlet en 1812 (ADBR, 140 J 74), cette dernière vit aux côtés de sa mère. Soulagée par cette aide, Madame de Foresta exprime sa reconnaissance, admettant que les « defaus de la vieillesse » (ADBR, 140 J 72, le 08/01/1823) rendent sa gestion plus incertaine qu’auparavant (ADBR, 140 J 72, le 31/10/1823) :

quand je vous dis, tout ce si comme de moi même ne croyés pas que je fasse vos affaires seule. c’est tout en compagnie de victoire, <de> qui je ne dépesa pas l’union pour ce qui vous regarde, me méfian de moi même, et ne faisant rien que de son conssentement.

Cependant, Claire Julie ne cède en rien son pouvoir d’écriture : « maintenant que je vous crois chez vous je tiendrai la corespondance, pour elle et pour moi, plus exacte, et plus active, afin de vous tenir au cour de vos affaires » (ADBR, 140 J 72, le 03/01/1824). C’est donc aux côtés de cette mère entrepreneuse que Marie Victoire Agathe apprend à gérer les domaines agricoles et cela passe notamment par la tenue des comptes et des registres. Ces derniers, nommés dans les lettres de Marie Victoire Agathe et de Claire Julie, ont aujourd’hui disparu. Seuls les courriers permettent d’entrevoir le rôle de ces deux femmes à la tête des affaires. L’écriture comptable est à la fois un outil de gestion et un enjeu de pouvoir pour Madame de Foresta, comme l’affirme sa fille dans une missive adressée à Marie Joseph Laurent le 6 mars 1823 (ADBR, 140 J 72) :

tu connois le caractère de ma mère il a ête toute sa vie caché et ce n’est pas a son âge ou l’on s’afoiblit que l’on change, elle n’aime pas que l’on maite les yeux dans les affaires qu’elle croit devoir mener exclusivement. si je te parle ainsi ce n’est point pour faire appercevoir ces petit déffaux mai pour te prouver que malgré ma bonne volonté il n’est pas toujour facile de remplir tes vues. si je fais quelque questions, il est rare d’en obtenir une réponse pressise. juge en toi même celle qu’elle te fait, je me bornes donc a l’aider au moment des recoltes, pour le décuvage du vin, le partage des grains. je lui faisois appercevoir les abus des paisan, mais je n’ai jamais ête plus louin. si je lui parlois comptes elle m’assuroit qu’elle te les envoyoit en raigles, enfin je pensois tes affaires sans me montrer, puisque tu desire que je lui aide dans la recette et la déppence, dans l’administration de toute les affaires.

Marie Victoire Agathe ne parvient pas à s’immiscer dans la direction des affaires. Claire Julie les contrôle largement, car elle en est l’exécutante ainsi que la scriptrice attitrée, refusant à sa fille tout accès aux papiers. Cependant, grâce à leur proximité, Marie Victoire Agathe se forme à la gestion des comptes, ce qui lui permet de prendre la direction de la Bricarde à partir de la disparition de sa mère en 1825. Par exemple, elle continue à diriger les récoltes et utilise la plume épistolaire pour informer son frère (ADBR, 140 J 72, le 04/06/1827) :

je resterai jusque à la vendange n’ayant rien à faire ici pendant ce temps. j’aurai un peu de besogne au moment de la moisson sa dérrabade étant toute à toi, le travail sera à ma charge et demandera que je ne quitte jamai. mais tu peu te reposer sur mon zélle.

Marie Victoire Agathe se révèle être, à son tour, une entrepreneuse aguerrie capable de prendre des initiatives pour améliorer les recettes annuelles, comme lorsqu’elle entreprend de planter des poiriers et des amandiers à la place de certaines restanques de vignes improductives (ADBR, 140 J 72, le 23/09/1827). Elle se retrouve dans une posture à laquelle elle n’était pas destinée : par son mariage bourgeois, elle ne devait pas continuer l’œuvre de sa mère, pourtant, parce qu’elle devient une femme seule au début du xixe siècle, elle est disposée à entretenir les domaines de Marie Joseph Laurent. Lucide sur sa situation, elle avoue elle-même sa transformation en administratrice, la délégation de pouvoir lui ayant donné confiance en elle et en son expertise : : « jadis cétoit par choix de mon cœur, au jourd’hui j’y ajoute la reconnoissance et une aquit de confiance » (ADBR, 140 J 72, le 13/04/1827). L’écriture n’est peut-être pas étrangère à cette mutation puisque Marie Victoire Agathe reprend la correspondance et l’écriture comptable des affaires, comme elle l’exprime en avril 1827 : « je l’avois déposée dans ton livre de compte » (ADBR, 140 J 72). Finalement, son expérience lui donne le courage d’acheter en 1829 un « petit morceau de térrin » planté d’« olivier de très bonne qualités » et sur lequel se dresse « un petit bastidon » (ADBR, 140 J 72, le 14/06/1829). De gestionnaire par délégation Marie Victoire Agathe de Foresta désire, en 1829, devenir une propriétaire terrienne indépendante.

Conclusion

Ainsi, l’exemple des Foresta illustre le rôle souvent fondamental des femmes dans la gestion des affaires quotidiennes de la noblesse. Que ces dernières soient d’ordre privé ou public, elles y assument une place non négligeable. Les maîtresses de maison connaissent la valeur et le pouvoir de l’écrit, le manient, le transmettent et le conservent afin de diriger leur foyer et d’administrer le patrimoine aux côtés du chef de famille. En cas de veuvage ou d’incapacité masculine, certaines d’entre elles s’engagent dans un nouveau terrain scripturaire, celui de l’écrit qui fait preuve, qui donne sens et qui fonde le pouvoir. Dans ce domaine, la Révolution puis les premières décennies du xixe siècle ne semblent pas modifier le fonctionnement des familles. Les ménagères utilisent la plume comme un instrument d’affirmation pour renaître en tant que cheffes de famille et responsables du patrimoine. Elles y réalisent la confiance que leur offre leur communauté. Ici, la veuve Claire Julie de Foresta et sa fille célibataire Marie Victoire Agathe forment une véritable dynastie féminine qui se perpétue, non sans difficulté, à la tête des domaines agricoles marseillais. Elles ont en effet dû gagner leur place en se formant à l’écriture, à l’administration des cultures et à la vente des denrées. Après avoir relevé les obstacles inhérents à leur sexe et à leur place dans la famille, elles sont pleinement reconnues : Claire Julie se détache du rôle d’épouse dévalorisée pour devenir une veuve gestionnaire du patrimoine familial tandis que Marie Victoire Agathe gagne en autonomie et se voit confier le domaine de la Bricarde par son frère. Finalement, grâce à une expérience gagnée au fil du temps, elles sont reconnues dans leur statut de gestionnaires agricoles, y puisent une source d’épanouissement personnel et obtiennent une place valorisée au sein de leur groupe familial et social.

1 Dans l’ensemble de l’article, la syntaxe et l’orthographe sont conformes à l’original des archives employées.

2 Ajout supralinéaire par Claire Julie de Foresta.

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Sources utilisées

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, fonds de Foresta (140 J) :

140 J 1 : Biographie généalogique des Foresta écrite par Marie Joseph Laurent de Foresta (1783-1858).

140 J 33 : liste de biens immeubles contenus dans l’hoirie de Marie Gabrielle de Foresta, née de Bricard, écrite par sa belle-fille Claire Julie de Foresta sur la page arrachée d’un registre, non datée.

140 J 36 : livre de raison de Marie Joseph Maphée de Foresta continué par sa femme Claire Julie, non paginé, 1748-1791.

140 J 45 : testament de Marie Joseph Maphée de Foresta, daté du 12 juin 1789.

140 J 45 : « note des immeubles de l’hoirïe de feu Mr de foresta », non datée.

140 J 45 : mémoire de la « transaction et désemparation » à la suite du procès qui oppose Claire Julie de Foresta, veuve et héritière universelle de Marie Joseph Maphée son époux, à ses enfants à propos de l’hoirie de leur père, daté du 29 août 1801 (11 fructidor an IX).

140 J 49 : livre des dépenses personnelles de Claire Julie de Foresta entre 1769 et 1792, non paginé.

140 J 50 : journaliers tenus par Claire Julie de Foresta pour les dépenses quotidiennes du foyer (alimentation, denrées de premières nécessité, chauffage…), 1794-1823.

140 J 52 : acte de procuration de Marie Joseph Maphée de Foresta en faveur de son épouse Claire Julie, daté du 28 février 1791.

140 J 54 : lettres de Marie Joseph Maphée de Foresta à son épouse Claire Julie, née de Rémusat, non datée.

140 J 56 : livre de comptes des dépenses des enfants de Claire Julie de Foresta et de Marie Joseph Maphée de Foresta, 1789-1801.

140 J 72 : lettres de Claire Julie de Foresta, née Rémusat, à son fils Marie Joseph Laurent, 1820-1824.

140 J 72 : lettres de Marie Victoire de Foresta à son frère Marie Joseph Laurent, 1821-1825.

140 J 157 : livre de comptes des Accates tenu par Marie Joseph Maphée de Foresta puis par Claire Julie de Foresta, non paginé, 1790-1801.

140 J 157 : livre de comptes sur l’« etat du vein que jai dans mes caves » tenu par Marie Joseph Maphée de Foresta entre 1763 et 1767.

140 J 158 : carnet de comptes intitulé « Journal des affaires de Josephin » tenu par Marie Paul Augustin de Foresta pour la gestion des affaires agricoles de son frère Marie Joseph Laurent, 1811-1815.

140 J 188 : livre de comptes pour la gestion des affaires de Charles de Rémusat puis de sa veuve Marie Anne de Rémusat, 1750-1757.

140 J 190 : livres de comptes personnels de Marie Anne de Rémusat, née de Candolle, 1749-1753.

1 Dans l’ensemble de l’article, la syntaxe et l’orthographe sont conformes à l’original des archives employées.

2 Ajout supralinéaire par Claire Julie de Foresta.

Figure 1. Livre de comptes sur l’« etat du vein que jai dans mes caves » tenu par Marie Joseph Maphée de Foresta entre 1763 et 1767

Figure 1. Livre de comptes sur l’« etat du vein que jai dans mes caves » tenu par Marie Joseph Maphée de Foresta entre 1763 et 1767

ADBR, fonds de Foresta 140 J 157 ; Camille Caparos, photographie, 2020

Figure 2. Livre de comptes du domaine des Accates tenu par Marie Joseph Maphée puis par Claire Julie de Foresta, recettes de 1791

Figure 2. Livre de comptes du domaine des Accates tenu par Marie Joseph Maphée puis par Claire Julie de Foresta, recettes de 1791

ADBR, fonds de Foresta, 140 J 157 ; Camille Caparos, photographie, 2020

Camille Caparos

Docteure en histoire moderne, Aix-Marseille Université, CNRS, TELEMMe

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